BIOGRAPHY
EX-VOTO Brésil
En 1966, Cérès Franco organise la première exposition d’ex-voto brésiliens à la galerie Florence Houston-Brown à Paris. Georges Raillard écrivait alors dans le catalogue :
Ces têtes de bois sont des « miracles ». Il ne s’agit pas de qualification esthétique, du moins d’abord, mais du nom que leur donnent les paysans du nord-est du Brésil, noirs, métis, pauvres blancs, empruntant au portugais le mot de « milagre », liant dans leur dénuement leur angoisse, leurs souffrances, la magie du nom et celle de l’objet votif porteur de leurs blessures apparentes (…).
Aujourd’hui, au Brésil, comme dans le monde marqué de la tradition méditerranéenne, se vendent, au voisinage des sanctuaires, des ex-voto de cire, blanche ou rouge, quand ils figurent le cœur, mais le plus souvent membres, corps d’enfants, ventres, identiques dans leur facture à Rio et Naples, à Barcelone et à Lapalud, dans le Vaucluse. Depuis les Grecs, et les Romains ont été ici leurs héritiers, puis les Chrétiens du monde latinisé, la tradition est restée vivante : imploration, remerciement. L’action de grâce est plutôt narrative : petits tableaux naïfs si libéralement entrés dans notre musée imaginaire. L’ex-voto représentant une partie du corps est, lui, plus ostensiblement magique : il est immolation, exhibition, scission de soi roublarde, il s’agit toujours d’induire un peu en erreur la divinité. (…) Oublions les images de cire, regardons ces têtes de bois, fermées sur elles-mêmes, se communiquant à nous par ce style même de fermeture : elles sont le dépositaire d’un secret. (…)
Celles qui parlent directement sont marquées visiblement de blessures. Elles attachent naïvement. Les plus secrètes, au contraire, ont pris leur distance (…) avec la souffrance éclatante. (…)
La simplification de la face, le jeu des yeux avec l’axe nasal, au-delà des particularités, renvoient à la grande leçon de la statuaire noire. En confrontant un grand nombre de pièces, en établissant des relevés par sanctuaire, croix votive, visage, on pourra sans doute mettre un peu d’ordre scientifique parmi elles, retrouver des traces d’ateliers – des artisans des villages. (…)
En 1959, tandis que l’on inaugurait la capitale de Niemeyer, l’on inaugurait aussi également à Rio la première galerie consacrée à l’art populaire brésilien, et pour la première fois, dans cette ville, étaient exposés à la vente ces « miracles ». Les deux événements, le célèbre et l’anecdotique, étaient assez bien en liaison. La plastique au Brésil a toujours, pour sa meilleure part, été faite pour forcer le sort, pour se concilier les dieux.